Utiliser le Focusing pour gérer une douleur chronique

Tout comme nous pouvons faire du focusing pour diminuer une souffrance psychique et mieux comprendre son mécanisme et sa raison d'être, nous pouvons pratiquer le focusing pour faire diminuer une douleur physique.


Dans ce cas, notre but sera de renouer avec notre corps. On va tenter de faire la paix avec ce corps qui parfois nous maltraite, nous punit, nous trahit. La méthode que je vais vous montrer ici s'appelle le Inner Relationship Focusing, développé par Anne Weiser Cornell et Barbara McGavin. Cette méthode se traduit comme le focusing de la relation interne.


On va apprendre à voir le corps et ses problématiques d'une autre façon - par le biais d'une attitude amicale envers soi. On va chercher alors à être le meilleur compagnon possible pour soi. Mais nous allons aussi cultiver d'autres qualités comme la curiosité, l'authenticité, l'accueil des expériences que l'on va rencontrer en faisant du focusing.


Principes de base avant de commencer


La présence à soi


Lorsqu'on est en présence de soi-même, on est ancré, centré, calme, curieux, dans une perspective élargie du monde, et capable d'agir de façon adaptée à la situation. C'est un état naturel mais non habituel, d'où le besoin de s'exercer afin de lui accorder une plus grande place dans notre vie. La présence à soi s'appelle aussi le "soi-en-présence". J'emploierai ces deux termes de manière synonyme.


Les 'moi-partiels' ou 'parties du moi'


Dans des situations où on se sent bloqué, où on a mal quelque part ou nous souffrons, une partie de nous-même tente, sans succès, de guider et mener notre énergie vitale vers l'avant. Le fameux critique interne est un exemple du moi partiel, c'est une partie du moi. Il y a d'autres parties de nous-mêmes qui tentent de communiquer avec nous et on les verra dans quelques instants. Ces moi-partiels ont tendance à collaborer, voire se concurrencer, dans des tentatives de débloquer une situation difficile. Un focusing bien mené avec les parties du moi requiert que l'on soit d'abord en présence de soi. A partir de cet état de calme, on est capable d'entendre toutes les parties du moi, sans jugement et sans réaction émotionnelle démesurée.


On peut faire la paix avec notre corps que si on arrive à atteindre cet état qui nous centre, le soi-en-présence. Ce n'est qu'à partir de cet état que l'on peut cultiver une attitude de curiosité respectueuse nécessaire pour communiquer avec les différentes parties du moi. Pour que ce type de focusing fonctionne, nous devons apprendre à voir notre corps d'une autre manière.


Principes de base

Qui je suis

Je ne peux pas être réduit à mon esprit d'un côté, avec son cortège de pensées, mes émotions morcelées de l'autre, et encore mon corps déconnecté ailleurs. Je suis plus que ces parties individuelles de moi-même. Le soi-en-présence est un témoin lucid mais distancié et c'est à partir de cette position-là que le reste suivra. Donc je ne peux pas être résumé à la seule existence de mon corps. Mais je suis en relation avec mon corps. C'est une relation privilégiée.


Je ne suis pas ma maladie

Tout comme je ne suis pas mon corps, je ne suis pas non plus ma maladie, mon diagnostic, ma douleur. On apprend trop souvent à identifier avec nos difficultés dans la vie: je suis dépressif, je suis insomniaque, je suis un accro du shopping. Se 'désidentifier' de notre problème permet d'avoir de l'espace mental pour accueillir une nouvelle perspective. Donc plutôt que de dire "je suis insomniaque", je pourrais dire "quelque chose en moi (ou une partie de moi) ne veut pas dormir."


Je peux aller bien même si une partie de moi souffre

Je peux aller bien même si une partie de moi souffre ou si mon corps ressent de l'inconfort. Les occasions pour se rendre compte, par exemple à la suite de nombreuses piqûres de moustiques lors d'une sortie, que je vais bien, mais c'est ma peau qui est misérable. On pourra même s'entretenir avec sa peau afin de lui dire que l'on est désolé qu'elle souffre autant et de lui demander s'il y a quelque chose qu'elle veut que l'on sache. On fait donc une distinction entre le 'moi' et le corps. Lorsqu'on rentre dans un état du soi-en-présence, on reconnaît que l'on n'est pas celui qui souffre et c'est à partir de ce moment-là que l'on peut être ce témoin amical pour la partie de moi qui souffre. L'idée est de passer d'une sensation d'oppression et d'envahissement (à cause de nos symptômes) à une sensation, un état de compassion et de curiosité. De là, un chemin s'ouvre à nous.


Mon corps n'est pas mon ennemi


Un symptôme physique désagréable n'est pas là exprès pour nous faire souffrir, comme on peut souvent percevoir la situation, de manière inconsciente. Ce corps, notre corps, n'est pas notre ennemi. S'il souffre, c'est une tentative du corps de nous communiquer quelque chose d'important. Mais souvent, parce que l'on ne comprend pas son message, on interprète la douleur ou le symptôme comme étant notre corps qui nous punit ou qui est méchant ou injuste avec nous. On peut alors avoir du ressentiment envers ce messager (le corps ou la partie du corps qui nous fait mal et nous empêche de vivre comme on veut). On se sent trahi par lui.


Répondre à l'inconfort en l'ignorant


On a tendance à répondre à l'inconfort en l'ignorant, en tentant de le supprimer, en le fuyant.